CNRS : Conseil d’administration du 13 décembre 2018
Nos interventions principales :
- Une intervention intersyndicale sur le budget 2019 et l’emploi
- Une intervention de Sud Recherche EPST sur le budget
- Intervention de Sud Recherche EPST sur le Plan intégrité scientifique & sur le Référent lanceur d’alerte
L’ordre du jour :
1. Approbation de l’ordre du jour
2. Approbation du compte-rendu des débats du Conseil d’administration du 25 octobre 2018 (vote)
3. Point d’actualité
4. Questions financières :
4.1 Budget initial (vote)
4.2 Démarche de maîtrise des risques financiers au CNRS (vote)
4.3 Relèvement du seuil des immobilisations (vote)
5. Questions stratégiques :
5.1 Plan d’action pluriannuel sur les ressources humaines
5.2 Bilan campagne chercheurs 2018 et campagne 2019
5.3 Dispositif pour les cas de fraudes ou de méconduites scientifiques
5.4 Rapport sur la politique du CNRS en faveur de l’innovation et du transfert
5.5 Participation du CNRS aux IDEX et ISITE (votes)
6. Questions diverses :
6.1 Le Schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) (vote)
En pièce jointe, les notes plus détaillées et les documents fournis (en accès privé).
Intervention commune : (Délégation intersyndicale + CPCN + Collectif de précaires)
Lors du comité technique du 27 novembre, l’ensemble des organisations syndicales a voté l’avis suivant : « Le budget du CNRS stagne depuis plus de dix ans, avec pour conséquence la suppression de 1 581 postes de titulaires entre 2005 et 2017, soit une réduction de 6 % des effectifs de titulaires au CNRS depuis 2005. Avec la loi de programmation des finances publiques 2018–2022 qui pérennise cette contrainte budgétaire sur le CNRS, le président du CNRS annonce un recrutement de titulaires pour les quatre prochaines années à hauteur de 250 chercheurs et 310 ingénieurs et techniciens par an. Ce niveau de recrutements impliquera la suppression d’environ 340 postes de titulaires au CNRS d’ici 2022 (qui s’ajouteraient aux 1 581 déjà supprimés depuis 2005). Avec cette trajectoire, le CNRS et la recherche publique en France amorcent un décrochage inédit qui met en danger leur capacité à mettre en œuvre leur principale mission : le développement de la recherche de base et le progrès des connaissances. Le comité technique du CNRS demande un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique en France avec la création de 6 000 postes de titulaires (enseignants-chercheurs, chercheurs, ingénieurs, techniciens, bibliothécaires) par an pendant dix ans dans l’enseignement supérieur et la recherche pour atteindre l’objectif de 3 % du produit intérieur brut de dépenses de recherche et développement. Au minimum, le comité technique du CNRS demande que le nombre de recrutements au CNRS s’élève à 365 chercheurs et 508 ingénieurs et techniciens par an pour revenir à un CNRS dans ses dimensions du début des années 2000. »
Intervention Sud Recherche EPST sur le budget 2019
Depuis 2010 (et jusqu’à 2017) ce sont plus de 2 400 emplois équivalent temps plein travaillé (titulaires et non titulaires) qui ont disparu. Durant cette période, on n’a pas arrêté de nous dire qu’il y avait une sanctuarisation de la recherche publique.
Aujourd’hui, le représentant du ministère change les termes, il dit qu’il y a une « stabilisation de l’emploi au sein des organismes ». Il faudra nous expliquer comment on stabilise l’emploi sans remplacer tous les départs. Peut-être une stabilisation dégressive ?
On a aussi entendu aujourd’hui qu’il y avait un effort sur le recrutement des ingénieurs et techniciens, puisqu’il y aurait 60 recrutements en plus par rapport au recrutement des chercheurs. Or, sur le tableau que nous avons vu tout à l’heure, on voit très bien que les départs à la retraite prévus des ingénieurs et techniciens sont nettement supérieurs à ceux des chercheurs, et ce quasi toujours plus que de 60. Cet effort, nous en doutons donc un peu. Dans les faits, ils ne devraient pas transparaitre.
Les moyens pour financer des recrutements existent : il y a 7 milliards en crédit d’impôt-recherche, l’équivalent de 87 000 postes de titulaires niveau IE, CR.
Sur le point de l’indemnitaire-chercheur, dont nous avons entendu parler plusieurs fois aujourd’hui, il existe une solution ; il suffit de changer l’indice de référence qui se trouve dans le texte sur la prime de recherche, de le relever, et ainsi on augmente les primes des chercheurs.
En fait, ce n’est pas cela qui se prépare ; ce que l’on veut, c’est faire rentrer les chercheurs dans le Rifseep. Effectivement, il est prévu que la situation des corps qui ne sont pas encore rentrés dans le Rifseep soit réétudiée avant le 31 janvier 2019. On nous dit qu’une fenêtre est ouverte pour cela. Mais cela veut dire quoi, faire rentrer les chercheurs dans le Rifseep ? Nous avons vu comment se mettait en place le Rifseep au CNRS ; cela a servi à individualiser de plus en plus les primes des ingénieurs et techniciens. Pour faire passer la pilule, au départ on a saupoudré de manière homogène sur chacun. Après, chaque fois que de l’argent arrive, il est ciblé sur un type de métier, dans les laboratoires. oui distribué sous forme de complément indemnitaire annuel, de manière individuelle, au bon vouloir des directeurs de laboratoire et des chefs de service.
Si l’on veut faire de l’indemnitaire chercheurs dans le Rifseep, c’est ce qui va se passer. Nous ne l’accepterons pas. Nous nous sommes toujours opposés à cela pour les ingénieurs et techniciens. Nous ne l’accepterons pas pour les chercheurs.
Si l’on veut augmenter la prime de recherche pour les chercheurs, il suffit de changer un chiffre sur un texte : relever l’indice de référence qui sert à calculer la prime de recherche. »
On nous vend le RIFSEEP pour les ingénieurs et techniciens comme élément de rattrapage avec la situation des ingénieurs et techniciens recherche et formation des universités. Les différences existent sur les catégories A. Elles sont beaucoup moins importantes pour les catégories B et n’existent plus pour les catégories C. Il faut regarder les choses de manière globale et notamment la carrière des agents et agentes. Quand on est dans un laboratoire, qui a un gestionnaire, si cette personne est universitaire, c’est en général quelqu’un en catégorie C. S’il est au CNRS, il est souvent en catégorie B, voire assistant-ingénieur.
Il n’est pas très sérieux de mettre en concurrence des collègues qui travaillent dans un même service, en pointant du doigt des choses qui sont vraies pour les catégories A mais beaucoup moins pour les B ou les C.
Le RIFSEEP était soi-disant censé améliorer les choses en termes d’équité et de transparence. Or, ce que l’on constate sur le bilan social 2017 est que la différence de primes entre les hommes et les femmes a encore augmenté dans le RIFSEEP.
Intervention de Sud Recherche EPST sur le Plan intégrité scientifique & sur le Référent lanceur d’alerte
Sud Recherche EPST regrette que le plan intégrité scientifique ait été présenté à la presse avant même d’être présenté devant les instances de l’établissement. Il ne faut pas que pour la direction la question de l’intégrité scientifique ne soit qu’une affaire de communication.
Il est essentiel que l’organisme mette en place une procédure pour traiter des signalements de fraude scientifique, mais il ne faudrait pas que cela serve à planquer les choses sous le tapis. Rappelons que si des sites/forums de lancement d’alertes comme Pubpeer se sont développés, c’est parce que les institutions se sont trop longtemps tues sur le sujet.
Au-delà de la traque de la fraude – qui bien entendu n’est jamais justifiable – et des procédures de signalement, il nous parait important, avant de s’en prendre aux sites lanceurs d’alerte, de se demander pourquoi la fraude scientifique se développe ; identifier le terreau qui inciterait à frauder : cela implique de mettre sur la sellette les modes de fonctionnement de la recherche, l’individualisation à outrance, les modes de financement de la recherche, les modes d’évaluation qui se transforment parfois en pousse-au-crime. À ce titre, dans sa feuille de route l’Office français pour l’intégrité scientifique prévoit un chapitre « Promouvoir un environnement propice à une science intègre », avec notamment une action intitulée « Inciter les instances d’évaluation à diminuer la pression sur les chercheurs et sur les collectifs de recherche » ; ce qui nous parait essentiel.
Nous devons aussi interroger les évolutions en cours qui risquent d’augmenter encore les risques qui pèsent sur l’intégrité scientifique : nous pensons particulièrement à l’article 41 de la Loi pacte, qui instaure le mélange des genres entre public et privé, en permettant notamment le cumul de salaire, les allers-retours public/privé, et en s’affranchissant des contrôles par la commission déontologique.
Nous notons qu’il est prévu des formations à l’intégrité scientifique. Soit, c’est une bonne chose, mais dans le contexte actuel, il nous parait aussi essentiel de ne pas négliger l’encadrement et la formation aux bonnes pratiques scientifiques. En effet, la multiplication des contractuel-le-s et leur turn-over risque de remettre en cause la qualité des pratiques scientifiques, et donc la qualité de la science, si on ne prend pas du temps pour leur encadrement (sans pour autant qu’il y ait fraude en tant que telle dans ce cas). Or les collègues statutaires ne disposent souvent plus de ce temps, étant pris par d’autres missions, dont la rédaction de demandes de contrats pour recruter de nouveaux précaires ! Cela ne signifiant pas pour autant que seuls les jeunes chercheur-e-s sont sujet-e-s aux mauvaises pratiques…
Concernant les lanceurs d’alerte, nous sommes d’accord sur l’attention que le CNRS doit porter au lancement d’alerte ; mais une fois de plus il ne faut pas que cette procédure soit le moyen de glisser les problèmes sous le tapis, le lancement ou non de l’alerte dépendant de la décision préalable du Référent lanceur d’alerte et de la suite qu’en donnera la direction du CNRS (on se rappelle par exemple d‘un rapport de 1997 sur les dangers du diésel réalisé par des scientifiques du CNRS et qui s’est retrouvé enterré…). Pourquoi n’y a-t-il pas de référence à la circulaire ministérielle dans laquelle on trouve des points intéressants qui ne se trouvent pas dans la circulaire CNRS. Comme la possibilité d’aller vers une autre autorité (justice) sans réponse dans un délai raisonnable à une alerte.
On regrette aussi qu’on n’ait pas profité de l’occasion de la rédaction de la circulaire « lanceur d’alerte » pour traiter le problème de l’antagonisme entre l’obligation de l’obéissance hiérarchique du fonctionnaire et la spécificité des métiers de la recherche, notamment les principes inscrits la charte européenne des chercheur-e-s, et en particulier en lien avec la liberté de recherche.