CSFPE du 9 juillet 2021 : Les interventions de Solidaires Fonction Publique sur les points concernant la mise en oeuvre de la LPR
A l’ordre du jour de ce conseil supérieur de la fonction publique d’état, il y avait notamment 4 projets de décret de mise en œuvre de la Loi de programmation de la recherche :
- Le projet de décret sur les chaires de professeur junior
- Le projet de décret sur les CDI de mission scientifique
- Le projet de décret sur le contrat post-doctoral
- le projet de décret sur l’autorisation de cumul pour activité accessoire
Solidaires a voté contre tous les textes. A noter que le projet de décret sur les chaires de professeur junior a reçu un avis défavorable unanime des syndicats. Cette opposition unanime a été réitérée le 19 juillet lors de la re-convocation de l’instance.
Déclaration liminaire en préalable à la présentation des 4 textes
Sont soumis aujourd’hui à ce conseil plusieurs projets de décret d’application de la loi de programmation de la recherche. Rappelons que cette loi promulguée le 24 décembre 2020 avait fait l’objet d’une opposition massive du personnel de l’enseignement supérieur et la recherche et bien entendu des syndicats Solidaires du secteur. En effet, là où la force de notre service public d’enseignement supérieur et de recherche résidait dans des emplois de titulaires, cette loi crée des situations de précarité à vie, par l’enchaînement de contrats de mission que le décret présenté ce jour ose appeler CDI. Certes, la loi prévoit de conserver quelques emplois de titulaires, mais de préférence réservés à des "excellents" recrutés sans concours : les fameuses « tenure tracks » ou chaires de professeur junior autres sujet du jour.
La loi de programmation de la recherche va même jusqu’à prévoir des aménagements du droit du travail : ainsi, pour faire de la recherche, on pourrait déroger au droit commun dans le public (on va le voir aujourd’hui par exemple avec les contrats post-doctoraux ou le CDI de mission), mais aussi dans le privé : non pas pour être mieux payé, non pas pour avoir de meilleures conditions de travail, mais juste pour pouvoir rester précaires plus longtemps. Et le ministère de l’enseignement supérieur a osé appeler ça « améliorer l’attractivité des métiers scientifiques » !
Et en face de cette destruction massive de notre système de recherche et d’enseignement supérieur et des statuts du personnel, les mesures budgétaires annoncées dans la loi sont bien loin du compte et ne répondront jamais à l’objectif affiché pourtant depuis plusieurs année de 1% du PIB pour la recherche publique ; et c’est sans compter sur la manière dont il est prévu de distribuer l’argent pour faire la recherche : en augmentant les crédits de l’agence nationale de la recherche et le financement par projet, grand pourvoyeur d’emploi précaire… Ainsi, la boucle est bouclée !
En l’échange de presque rien, voilà une loi qui détruit presque tout. Pourtant les moyens existent : chaque année ce sont plus de 6.5 milliards de crédit d’impôt recherche qui sont distribués quasiment sans aucun contrôle à des entreprises qui, pour certaines licencient leur personnel de R&D afin d’engranger toujours plus de bénéfices. Voilà des moyens qui auraient pu être mobilisés pour développer l’emploi statutaire et le financement pérenne des laboratoires et des services comme le réclamait la communauté. Mais l’idéologie du gouvernement est tout autre.
Et nous voici aujourd’hui à devoir donner notre avis sur les textes d’application de deux des pires dispositifs de la loi : les CDI de mission et les chaires de professeurs juniors.
Déclaration sur les chaires de professeur junior
Pour des raisons totalement idéologiques et « parce que ça se fait comme ça à l’étranger » le ministère a fait le choix de créer, dans la loi de programmation de la recherche, les « chaires de professeur junior » (CPJ) et ce malgré une très forte opposition du personnel de l’enseignement supérieur et la recherche.
Notons que les établissements ont déjà reçu une version du décret – donc avant même son passage devant cette instance – et sont invité à faire remonter leurs demandes de chaires avant le 23 juillet, c’est dire le peu de cas qui est fait de l’avis des instances représentatives du personnel !
Le décret d’application prévoit la création de deux types de chaires de professeurs junior une à visée de titularisation dans le corps des professeures et professeurs d’université et assimilé-es et l’autre à visée de titularisation dans corps des directeurs ou directrices de recherche des EPST. Dans les deux cas, il s’agira d’un contrat d’au moins 3 ans renouvelable jusqu’à 6 ans maximum.
Au final il s’agira donc de recruter dans les plus haut corps de l’enseignement supérieur et la recherche par une voix dérogatoires qui s’affranchie des règles garantissant l’indépendance de la recherche et la liberté académique. Au passage, il est assez amusant de voir que la DGRH du MESRI a dit s’appuyer sur le dispositif de recrutement du « parcours d’accès aux carrières de la fonction publique (Pacte) » prévue pour recruter en catégorie C sans concours des agent-e-s pas ou peu diplômés, pour recruter ici « l’élite » du ministère !
Un arrêté ministériel fixe le nombre de postes susceptibles d’être pourvus selon les modalités prévues par le présent décret dans les domaines scientifiques et les champs de recherche pour lesquels l’établissement « justifie de cette nécessité ». Mais aucune procédure n’est prévue pour vérifier ce qui justifie réellement la nécessité d’avoir recours à une telle procédure.
Le contrat sera accompagné d’une obligation d’enseignement, y compris pour les chaires à vocation de titularisation dans le corps des directeurs ou directrices de recherche, remettant en cause le statut de chercheur-es à plein temps. Ces contrats de chaire de professeur junior seront accompagnés de moyens spécifiques plutôt conséquents qui pourront notamment servir à embaucher un ou plusieurs CDD pour participer à la réalisation du projet de recherche associé à la chaire. Ce projet contiendra des objectifs bien définis ainsi qu’un calendrier de réalisation de ces objectifs. La carotte au bout étant la titularisation du détenteur ou de la détentrice de la chaire, autant dire que la pression risque d’être forte pour faire aboutir le projet, avec tous les risques que cela peut comporter en terme de condition de travail des précaires qui seront embauchés à son service. Et c’est sans compter que le fait d’attribuer à une seule et même personne de tels moyens - parfois très conséquents au regard des dotations des équipes – n’est pas sans conséquence sur les collectifs de travail. Un fois de plus, il s’agit d’une mise en concurrence inutile et délétère.
Solidaires fonction publique votera donc contre cette attaque contre des statuts de la fonction publique.
Déclaration sur le CDI de mission scientifique
Solidaires fonction publique est fermement opposé au CDI de mission scientifique, qui constitue une déclinaison outrancière du contrat de projet introduit par la loi de transformation de la fonction publique auquel nous sommes toujours opposé-es.
Si la notion de « durée prévisible » d’un contrat à durée indéterminée peut paraitre cocasse, ce que signifie avant tout la création du CDI de mission scientifique, c’est la possibilité de déroger quasiment sans contrainte au droit commun. Il s’agit en fait d’instaurer la précarité à vie au sein des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un tel contrat remet ainsi fondamentalement en cause les statuts et donc l’indépendance de la recherche dont ils sont les garants.
Faire croire qu’un tel contrat va apporter de la stabilité aux collègues précaires est un mensonge. Combattre la précarité ce n’est pas laisser indéfiniment les collègues en situation de précarité, mais c’est faire un véritable plan de titularisation en créant et finançant les emplois nécessaires : la grande majorité de contractuels et contractuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche exercent les mêmes missions que les titulaires, ils et elles doivent être titularisés. Combattre la précarité c’est aussi s’attaquer au mode de financement de la recherche par projet qui fait le lit de cette précarité : c’est redonner aux établissements les ressources pérennes nécessaires afin d’augmenter les dotations de base des laboratoires, et c’est supprimer l’ANR.
Enfin n’oublions pas qu’un même type de contrat, mais de droit privé, a été créé par la loi de programmation de la recherche pour les EPIC et certaines fondations, créant ainsi une brèche dans code du travail, que - l’on en doute pas - le MEDEF saura exploiter pour remettre en cause le CDI. Pour Solidaires cette casse du statut public et du droit social est totalement inacceptable.
Déclaration sur le contrat post-doctoral
Ce projet de décret n’a qu’un seul objectif : contourner le droit commun qui semble-t-il pour le gouvernement, ne pourrait pas s’appliquer à la recherche. En effet quelle était la nécessité de créer un nouveau support juridique pour le contrat post-doctoral si ce n’est pour faire en sorte que ces années de contrat ne puissent pas entrer dans le décompte des 6 ans nécessaires à une CDIsation. Même si Solidaires fonction publique n’est pas favorables à la multiplication des CDI au sein des établissements et des services, et que nous militons pour l’ouverture de postes de titulaires, le choix qui a été fait par le MESRI n’en est pas moins scandaleux.
Ces contrats vont graver dans le marbre le fait que le doctorat n’est plus un diplôme suffisant pour être chercheur, chercheuse, enseignant-chercheur ou enseignante-chercheuse. Le constat alarmant d’un recrutement de plus en plus tardif dans les corps de CR ou de MCF – qui est bien réel - n’appelait pas à rajouter un contrat post-doctoral supplémentaire qui va pouvoir courir jusqu’à 7 ans après la thèse, mais à de vraies actions pour des recrutements au plus près de la thèse, à commencer par une augmentation des possibilités de recrutement. Offrir des formations pour accompagner vers l’emploi pérenne ne sera qu’un cautère sur une jambe de bois, s’il n’y a pas d’emploi pérenne ! A minima les établissements devraient avoir à rendre des comptes sur l’avenir de ces contractuels et contractuelles, s’il s’agissait vraiment d’un contrat de transition professionnelle vers des postes pérennes en recherche publique ou privée. Pour Solidaires les recrutements de chercheur-es et d’enseignant-es chercheur-es doivent se faire au plus près de la thèse. Nous voterons contre ce texte.
Déclaration sur l’autorisation de cumul pour activité accessoire
Solidaires fonction publique est contre le cumul d’activité dans la fonction publique : interdire le cumul participe de ce qui garantit son indépendance et donc y compris même dans l’enseignement supérieur et la recherche.
En fait toutes les activités qui relèvent des missions du personnel de la recherche doivent entrer dans la fiche de poste et/ou dans l’activité « non accessoire » de l’agent ou de l’agente et en conséquence dans son temps de travail, en s’assurant que ça ne perturbe pas le travail collectif. Ça ne devrait donc pas apparaître sous forme de cumul d’activité. S’il y a surplus de travail, l’établissement d’accueil devrait embaucher du personnel. Le texte de simplification présenté ce jour ne répond pas à ce problème-là. Nous voterons contre.