Et Après ?

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Ça devait arriver !

Avec une recherche « managée » au gré des modes et intérêts du moment, pouvait-on espérer que, par le plus grand des hasards ou grâce à la prescience des jurys de l’ANR, les recherches les plus pertinentes pour une future crise sanitaire soient correctement financées ?

Alors que l’hôpital public est systématiquement attaqué par tous les gouvernements depuis presque trente ans, qui pouvait croire que nous étions encore capables de faire face à une catastrophe majeure ?

Nous le clamions, les soignant-e-s le dénonçaient, mais les gouvernements
successifs ne voulaient voir que la croissance des marchés financiers !

Pendant qu’une partie de la population, confinée, travaille chez elle dans
des conditions souvent improvisées et privée du lien social de l’environnement habituel de travail, les autres doivent prendre des risques pour assurer la continuité des
services. Le personnel soignant bien sûr, mais également le personnel des
supermarchés, le personnel d’entretien, le personnel des transports en commun et
bien d’autres, toutes et tous ces « premier-e-s de corvée », le plus souvent précaires,
contraintes et contraints pour survivre à exercer une activité qui met leur santé en
danger. Dans d’autres cas, des salarié-e-s se voient imposer de prendre des risques
uniquement pour relancer la production au plus vite !

Le gouvernement, qui a refusé de donner des moyens aux hôpitaux, qui
avait envoyé la police s’attaquer aux camarades soignant-e-s plutôt que d’écouter
leurs cris d’alerte, veut augmenter leur temps de travail à 60 heures par semaine. Ce
même gouvernement impose que les travaux du BTP continuent contre l’avis-même
des entreprises de construction et désire que les personnes sans activité aillent
travailler dans l’agriculture pour remplacer la main d’œuvre sous-payée qu’on ne peut
plus faire venir des pays les plus pauvres. Le vocabulaire martial est au rendez-vous,
le renforcement de la police aussi. Les parangons du néo-libéralisme ont choisi leur
société, nous devons choisir la nôtre.

Cette crise révèle ce que beaucoup refusaient de voir il y a encore peu :
cette économie, dont toutes les décisions et choix d’orientation sont pris sans nous,
nous impose l’individualisme, l’exploitation, le gaspillage, pour l’enrichissement sans
limite d’un petit nombre.

Parmi les personnels de la recherche, beaucoup de nos collègues
s’exposent pour essayer de rattraper le temps perdu dans la connaissance de ces
virus (faute de financements récurrents). D’autres, au contraire, découvrent une autre
façon de vivre et de travailler, peuvent enfin s’interroger sur l’utilité de leurs différentes
tâches.

Confinés chez nous, devant limiter nos achats compulsifs, nous
entrapercevons un mode de vie différent. Une vie moins consumériste, moins
productiviste est possible. Une vie où on observe un retour des oiseaux, un air moins
pollué. Une vie qui serait plus agréable dans des circonstances moins graves. Une vie
souhaitable.

Plutôt que de sombrer dans l’autoritarisme pour sauver un capitalisme
déchaîné et mortifère, réclamons ce mode de vie pour tout le monde. Réclamons une
vie où le travail, exempt de servitude, sert à produire uniquement les richesses dont la
population a besoin, dans les limites de ce que la nature est prête à nous offrir.
Refusons une vie où le travail sert à financer des dividendes au prix de la mise en
danger de nos vies. Réclamons une vie où nous pouvons décider ensemble de
l’organisation de notre travail, de l’utilisation de notre temps. Refusons une vie où
quelques-uns peuvent imposer le danger aux autres depuis le confort de leurs
résidences. Réclamons une vie entière, pleine de sens et de solidarité. Refusons une
vie menée chacun-e pour soi.

Applaudissons sur nos balcons, pourquoi pas ? Mais aussitôt le
confinement terminé, descendons dans la rue, reprenons les luttes aux côtés de nos
camarades et réclamons cette nouvelle société plus libre et plus juste.

Et ça commence tout de suite par ce qui nous relie : la recherche publique.
Refusons le chantage de la LPPR, quelques cacahuètes en échange de toujours plus
de compétition et de pouvoir pour les distributeurs autoproclamés de labels
d’excellence. Prenons le temps de réfléchir à un autre fonctionnement, dans lequel
nous nous renforcerions mutuellement plutôt que de nous affronter, dans lequel la
recherche la plus urgente ne serait pas forcément celle de notre sujet, mais
simplement le prochain pas à faire ensemble sur le chemin de la connaissance.

Demain, renvoyons les médiocres et autres excellents devant leurs miroirs et, dans notre travail comme dans l’ensemble de la société, tirons enfin les leçons du passé.

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