INRA : Pour que l’agroécologie ne soit pas seulement un chantier mais le coeur de nos métiers

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Contribution de la branche INRA du syndicat au dossier agroécologie, sur la base de l’actualité de ces dernières semaines.

Au-delà de l’évaluation des OGM et des pesticides qui leur sont associés... :

 La France leader de l’agroécologie : une volonté du ministre de l’Agriculture à concrétiser.

 Un chantier « agro-écologie » ouvert par la Direction de l’INRA : loin de la révolution attendue... et des questions à clarifier !

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Deux événements récents ont fait considérablement avancer le débat que notre syndicat réclame depuis longtemps au sein de l’INRA sur les OGM et plus globalement sur la nécessité de passer à un modèle agricole respectueux des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement. Le premier est l’ensemble des débats suscités par la publication de G.E. Séralini et collègues, aussi bien entre scientifiques qu’au sein de la société civile. Le second est l’ouverture d’un chantier « agro-écologie » au sein de l’INRA dont un rapport devrait prochainement délivrer les conclusions.

Au-delà de l’évaluation des OGM et des pesticides qui leur sont associés…

La question des procédures d’évaluation des OGM a été soulevée par la publication de Séralini et collègues. Nous avions placé cette évaluation et celle des pesticides qui leur sont associés, ainsi que la question de l’expertise, au centre d’un précédent message adressé aux personnels de l’INRA.
http://www.sud-recherche.org/SPIPprod/spip.php?article1544

Dans leurs analyses des travaux de Séralini et collègues, l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et le Haut Conseil des Biotechnologies considèrent que le protocole et les résultats de la publication ne permettent pas de soutenir les conclusions des auteurs. Mais ces deux agences précisent, dans le même temps, que les études de toxicité dans les procédures d’autorisation de mise sur le marché des OGM et des produits phytosanitaires associés présentent des limites qu’il conviendrait de repousser.

Suite aux débats soulevés par cette publication, une audition a été organisée le 19 novembre dernier à l’Assemblée Nationale sur le maïs transgénique NK603 et la publication de G.E. Séralini. L’ouverture de cette audition par M. le Ministre de l’Agriculture, S. Le Foll, a donné lieu à une déclaration qui nous semble porteuse d’espoir
(http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=3628&synchro=0&dossier=12).

… La France leader de l’agroécologie : une volonté à concrétiser !

Tout d’abord, S. Le Foll a affirmé qu’il fallait sortir de l’opposition entre économie et écologie, et que la France devait être un leader de l’agroécologie, ambition permise par son potentiel de recherche et par la compétence de ses agriculteurs. Le Ministre a ensuite insisté sur la nécessité d’avoir une vision plus large, sur la question des OGM, que celle concernant les seuls risques sanitaires. Selon lui, dans la révolution de l’agroécologie qui se prépare, les OGM actuels ne sont pas la bonne solution pour résoudre la question des volumes de production et du recours aux intrants, car « ils concentrent les pratiques culturales sur ce qui a déjà été fait pendant des années, en sélectionnant quelques variétés pour les rendre les plus productives possibles et les plus résistantes à certains herbicides, ce qui n’est pas le sujet ».

Il a affirmé qu’il fallait ouvrir d’autres perspectives et revenir à des processus agronomiques complexes, mais extrêmement performants au bout du compte. Enfin, il a conclu sur la nécessité, pour sortir du débat sur les OGM, de s’intéresser à la question plus globale des modèles de développement et des modèles agronomiques, avec des alternatives qui ont un potentiel économique, écologique et sanitaire à envisager de manière systémique.

Si cette déclaration nous semble encourageante, il s’agit désormais qu’elle soit suivie d’effets. L’exemple du Grenelle de l’Environnement a montré, par le passé, que la puissance des lobbys était capable d’empêcher de bonnes idées de se traduire ensuite par des actes, à l’exemple du plan Ecophyto 2018 qui est un échec : alors que les utilisations de pesticides devaient diminuer de moitié en dix ans, elles ont augmenté depuis le début de ce plan[1].

La conférence de lancement du programme « produisons autrement » du ministère de l’agriculture, qui aura lieu le 18 décembre 2012 (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/061212-programme-PA_cle8371d3.pdf), fournira des premiers éléments de réponse sur la volonté gouvernementale de changer de paradigme et sur les moyens qu’il compte mettre en œuvre pour y parvenir.

« Agro-écologie » à l’INRA : un chantier ouvert… Loin de la révolution attendue !

En parallèle, nous constatons avec une grande satisfaction qu’un chantier « agro-écologie » a enfin été ouvert à l’INRA. Le rapport préliminaire de ce chantier a été présenté au Conseil Scientifique de l’INRA. L’investigation est conséquente et elle replace de façon pertinente les questionnements de l’agroécologie dans un cadre théorique affirmé. Cependant, nous regrettons beaucoup le parti-pris de ne pas prendre en compte l’agroécologie pour l’action et de ne pas associer les agriculteurs porteurs d’alternatives à la construction de ce document, quand dans le même temps, un poids démesurément important est donné aux approches de modélisation.

L’agroécologie ne pourra remplacer l’agriculture productiviste conventionnelle qu’à condition d’impliquer l’ensemble des acteurs concernés, de mettre en œuvre des moyens de recherche humains et financiers à la hauteur de l’ambition qu’elle porte, et de réorienter profondément les politiques agricoles et les modalités du conseil aux agriculteurs. Lors de la remise des lauriers de l’INRA, le ministre S. Le Foll a d’ailleurs réaffirmé cette absolue nécessité de révolutionner (sic) notre modèle agricole en impliquant l’ensemble des acteurs.

La réponse de F. Houllier nous a semblé totalement en retrait en mettant en avant surtout ce que l’INRA a déjà fait en ce domaine, ce qui nous apparaît bien éloigné de la révolution attendue, et en choisissant de conclure sur la place majeure que devront tenir les technologies dans l’agroécologie plutôt que de parler de la co-construction de ce nouveau modèle avec tous les acteurs concernés, en particulier les agriculteurs.

C’est pourquoi, en nous appuyant sur les propos du Ministre de l’Agriculture, nous proposons à la Direction de l’INRA que l’agro-écologie devienne plus qu’un simple chantier et que cette approche se situe désormais au cœur de nos métiers. Si le rapport constitue une base de travail utile, il est nécessaire de prendre en compte toutes les composantes de l’agroécologie et de poser clairement les choix dans les priorités de recherche de demain.

● Quelles seront les places respectives et les équilibres entre biotechnologies, modélisation, robotique et agronomie (la « vision à l’horizon 2020-2030 » du rapport est très inquiétante) ?

● Comment faire en sorte que l’agronomie et l’écologie fusionnent et interagissent plus qu’à travers quelques métaprogrammes ?

● Comment conduire l’ensemble des personnels de l’INRA à s’approprier les concepts de l’agroécologie et à développer des approches coopératives et participatives pour éviter un gouffre entre la théorie et la pratique ?

Voilà trois exemples des questions qui devront être clarifiées…

[1] Rapport d’information n° 42 (2012-2013) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la Mission commune d’information sur les pesticides, déposé le 10 octobre 2012. Sénat.

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