Témoignage syndical SUD-Recherche EPST au proces de « faucheurs volontaires » à COLMAR ce 29 septembre

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Un représentant du syndicat est intervenu ce jeudi 29 septembre lors du procès de 60 « faucheurs volontaires », poursuivis pour l’arrrachage en août 2010 de l’essai INRA en plein champ de vigne OGM :
« la recherche publique marchandisée : un non sens pour son efficacité ! »

Synthèse de l’intervention du représentant du syndicat à la barre du tribunal

Le témoignage de SUD Recherche EPST se situe dans la continuité de la prise de position de notre syndicat suite à l’arrachage de la vigne OGM de Colmar lors de l’été 2010. Si notre syndicat pense que d’autres formes d’actions auraient pu être envisagées, en revanche il partage une bonne partie des arguments qui ont conduit à cette action.

Le constat que nous faisons est que le modèle de production agricole actuel, qui est un modèle ultra productiviste, a atteint ses limites et qu’il n’est plus possible d’accepter les dommages environnementaux, sociaux et sanitaires associés à ce modèle. Faut-il rappeler que la moitié des points de surveillance des eaux de surface en France sont classés de qualité « moyenne » à « mauvaise » à cause des pesticides de l’agriculture ? Et au même moment, malgré cette surabondante utilisation des pesticides, on continue d’observer la dramatique diminution de 25 % du nombre de fermes entre 2000 et 2010 et la désertification de vastes parties du territoire !
Face à ce constat, face aux défis qui se posent pour l’agriculture du 21e siècle, il est donc nécessaire d’initier une nouvelle révolution agricole pour la mise en œuvre d’une agriculture qui soit respectueuse de l’environnement, des agriculteurs et des consommateurs.

Cette révolution agricole doit s’appuyer sur une recherche agronomique indépendante des grandes firmes de l’agro-alimentaire qui n’ont pour seul souci que l’accroissement continu de leurs profits, quel qu’en soit le prix à payer en terme de dégâts environnementaux et sociaux. Or, l’INRA, en principe un établissement de recherche publique, encourage et même contraint ses chercheurs à développer des partenariats toujours plus étroits avec le secteur privé. Par ailleurs, si la direction de notre Institut affiche des objectifs de développement d’une agroécologie, sans que l’on sache très bien ce qui se cache derrière ces mots, elle reste encore très discrète sur la question de la place de l’agriculture biologique et plus globalement elle continue d’investir massivement sur les biotechnologies en pensant que celles-ci constituent LA solution aux problèmes actuels rencontrés par notre agriculture. C’est ainsi que les deux projets phares de l’INRA sélectionnés dans le cadre de l’appel d’offre « Investissements d’Avenir – Biotechnologies et Bioressources » sont des projets basés sur l’utilisation des biotechnologies qui vont drainer une part importante des ressources financières et humaines de notre organisme.

Dans le même temps, une discipline comme l’écologie des paysages qui permet de développer une vision beaucoup plus intégrée de la production agricole au sein de vastes territoires, ou des recherches sur les systèmes de production en agriculture durable sont soutenues a minima ou ignorées par l’INRA, alors qu’elles offrent des vraies perspectives de changements pour notre modèle agricole.

Enfin pour clore ce rapide tableau de la situation actuelle de la recherche agronomique, il faut rappeler que parmi les missions des chercheurs, l’une d’elles concerne l’expertise et que cette expertise ne peut se faire en toute impartialité que s’il n’existe pas de liens, notamment d’ordre financier, entre les experts et les firmes privées. L’exemple du Médiator nous a rappelé récemment les dérives qui surviennent lorsque de tels liens existent. C’est aussi pour cela que la recherche agronomique doit se développer en toute indépendance des multinationales de l’agroalimentaire ! En ce sens, le choix tout récent d’une responsable de haut niveau de l’industrie agroalimentaireNe pour prendre une direction scientifique de l’INRA n’est pas un signal rassurant !

Dans ce cadre général, l’analyse que nous faisons de l’essai de vigne OGM mis en place à Colmar est que cet essai en plein champ ne se justifiait pas d’un point de vue agronomique. Les contraintes liées à sa mise en oeuvre en plein champ le rendaient presque inutile de ce point de vue. Il avait pour but essentiel de tenter de redonner une acceptabilité aux essais OGM en plein champ, en commençant par un premier modèle censé être plus acceptable qu’une culture de maïs ou de blé. Le caractère éminemment politique de cet essai se traduisait notamment par la présence prévue de deux ministres lors de l’inauguration.

Aucun d’entre nous n’a le souvenir d’une telle mobilisation gouvernementale pour des travaux basés par exemple sur la mise en œuvre d’un essai innovant de production "bio". Pour prendre un exemple, pas loin de l’Alsace, lors de la récente convertion en agriculture biologique de la station de Mirecourt, nous n’avons pas vu un ministre se déplacer pour saluer cette initiative marquante… Par ailleurs, alors que l’on nous disait qu’il n’y avait pas de caractère commercial pour cet essai, qu’en est-il vraiment des brevets qui ont été déposés sur les constructions génétiques testées et peut-on nous affirmer qu’une firme comme Monsanto ne pouvait rien revendiquer sur les suites commerciales qui auraient pu être envisagées pour ces portes greffes ?

Il est assez incompréhensible pour nous de voir la direction de l’INRA s’acharner à toujours investir massivement dans les biotechnologies et dans le modèle agricole productiviste qui accompagne forcément ces technologies. En effet, les consommateurs refusent très majoritairement de voir des OGM dans leurs assiettes et les retours sur les cultures OGM actuelles montrent combien ces technologies ne résolvent rien et bien au contraire, peuvent générer de nouveaux problèmes. Bien sûr, on nous promet depuis 10 ans de nouveaux OGM parés de toutes les vertus, mais concrètement, ce qui continue de pousser dans les champs, ce sont très majoritairement des OGM résistants aux pesticides des firmes agrochimiques.

Ce sont toutes ces réflexions qui ont conduit SUD Recherche EPST à témoigner au procès des faucheurs qui ont détruit l’essai de vignes à Colmar, avec l’espoir que la direction de notre Institut prendra enfin conscience qu’il est nécessaire de mettre en oeuvre une vraie révolution agronomique et de rompre avec le modèle productiviste actuel. Pendant des années, les militants qui se sont battus contre l’utilisation du nucléaire ont été raillés par nos gouvernants qui assuraient que les risques nucléaires étaient connus et contenus… Après Three Miles Island et Tchernobyl, le drame de Fukushima nous a rappelé qu’il n’en était rien.
Les risques liés aux OGM, même s’ils se sont de nature différente, présentent comme le nucléaire un caractère irréversible qui les rend particulièrement inquiétants… N’est-ce pas J-L Borloo, Ministre de l’Ecologie, qui au moment du Grenelle de l’environnement disait : « Sur les OGM, tout le monde est d’accord : on ne peut contrôler la dissémination. Donc, on ne va pas prendre le risque ».

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’action des faucheurs est intervenue au lendemain de la fin des espoirs portés par ce Grenelle, illustré par la déclaration définitive du président Sarkozy au salon de l’agriculture : l’environnement - « ça commence à bien faire ! »

Texte repris dans le quatre pages illustré joint et diffusé à COLMAR devant le Tribunal ce 29 septembre

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