La Recherche Publique devient le laboratoire de la politique du gouvernement : précarisation de l’emploi et privatisation du service public. Journée d’action interprofessionnelle du 4 octobre 2005

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Fonction Publique : déréglementation à tout va

En deux mois, sont sortis une série de textes (loi, ordonnance, décrets) qui dynamitent des pans entiers du statut de la fonction publique, sans aucun ménagement ni aménagement :
 la loi du 26 juillet permet aux administrations de recruter quelqu’un en CDI au bout de 6 ans de CDD ; cette loi non seulement admet qu’un agent peut être maintenu 6 ans en situation précaire, mais elle instaure un "statut-bis" d’agent permanent de l’Etat, concurrent du statut de titulaires, et qui sera sans nul doute utilisé pour faire des recrutements "sur mesure", à la tête du client, en toute opacité.
 l’ordonnance du 2 août supprime les limites d’âge pour le recrutement par concours dans la plupart des corps de la FP ; et ce, sans aucune mesure d’accompagnement, ni pour éviter les effets pervers, ni pour la prise en compte de l’expérience professionnelle antérieure ; dans les EPST, c’est au niveau des recrutements en CR que l’impact va être très important [1] : ainsi les EPST pourront recruter en CR2 (où ils resteront bloqués pendant 4 ans faute d’avoir procédé à la fusion des grades CR2 / CR1) des chercheurs seniors de niveau CR1 ou même DR ! Il n’y a plus aucun garde-fou pour pousser à un recrutement précoce en CR2 au plus près de la thèse : pour avoir quelque chance d’être recruté en CR2, il faudra plus que jamais avoir accumulé les post-docs (mais pas de souci : l’ANR est là pour ça !) ; la situation de "chercheurs précaires" jusqu’à 40 ou 45 ans sera désormais le lot commun...
 la même ordonnance crée les contrats "PACTE", une nouvelle race de contrats sous-payés pour les jeunes de 16 à 25 ans : désormais les administrations pourront recruter en CDD sur des postes de catégorie C des jeunes pas ou peu diplômés, payés à tarif réduit (55 % ou 70 % du salaire minimum FP) sous prétexte de formation !

Préférez-vous être cuits à petit feu par Villepin ou carbonisés tout de suite par Sarkozy ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes (27 septembre) le gouvernement n’a toujours pas dévoilé son projet de LOPR (Loi d’Orientation et de Programmation de la Recherche)
 [2]. Ceci étant, comme il ne s’est pas gêné pour entreprendre un bouleversement complet du fonctionnement de la recherche publique (cf. au verso) avant même tout débat de fond au Parlement, on sait quels sont les objectifs qu’il poursuit : privilégier la recherche à rentabilité économique immédiate, casser les organismes de recherche nationaux et le statut de fonctionnaires ! Le seul "suspense" aujourd’hui c’est de savoir si ce sera à petit feu, avec quelques anesthésiants (une pincée de postes de titulaires), ou bien si le matador Sarkozy (qui trouve le projet du gouvernement trop timoré !) va obtenir que la mise à mort soit immédiate [3]...


La question est aujourd’hui : allons-nous laisser faire ?

Journée d’action interprofessionnelle du 4 octobre 2005 : c’est l’occasion pour les salariés, les chômeurs, les étudiants, de se faire entendre tous ensemble contre la politique de régression sociale menée par le gouvernement

Ne la ratez pas : individuellement, c’est difficile de résister, de refuser l’ANR, les CDD etc...

Il n’y a que collectivement que nous pouvons résister, dire non à cette politique ! Nous appelons les personnels de la recherche, qu’ils fassent grève ou non, à participer aux manifestations organisées le 4 octobre

La Recherche Publique devient le laboratoire de la politique du gouvernement : précarisation de l’emploi et privatisation du service public.

Le gouvernement essaie de « redorer son blason » en mettant en avant une politique volontariste de développement de la recherche et de l’innovation. Mais les premiers éléments (encore officieux) sur le projet de budget 2006 sont loin d’être à la hauteur des ambitions affichées d’atteindre les 3% du PIB (45 milliards €) pour la recherche publique et privée en 2010. Et surtout, tout est fait, à travers les mesures fiscales comme à travers les réformes structurelles de la recherche publique, pour que cet argent public soit mis au service des intérêts privés et crée encore plus de précarité !

Comme dans le reste de la fonction publique, le gouvernement poursuit ses objectifs libéraux. Ceux-ci se traduisent par une série de création d’agences et autres Instituts, chargés de distribuer la « manne » budgétaire censée remettre la recherche française sur les rails de la compétition internationale.

Ainsi, en l’espace d’1 an, et avant même tout débat sur la future Loi d’Orientation et de Programmation de la Recherche (LOPR), nous assistons à la création précipitée de :
 l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), dotée à terme d’1 milliard € à répartir sur appels d’offres, orientant ainsi fortement les recherches publiques vers une plus grande concurrence, une productivité immédiate, et l’intérêt économique des entreprises, tout en multipliant les possibilités de recruter des CDD ;
 l’Agence pour l’Innovation Industrielle (AII), gérant également 1 milliard € + 1 autre milliard en 2006, à destination des industriels, sans contrepartie de création d’emplois ;
 les Instituts Carnot, l’Institut National du Cancer, les Fondations de recherche, les pôles de compétitivité et bientôt les Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES). Toutes ces structures sont susceptibles d’embaucher du personnel propre sur CDD de droit privé.

Progressivement, les EPST [4] perdent leur pouvoir d’orientation des recherches, et deviendront à terme de simples agences de gestion de moyens.

À travers ces démembrements des Établissements de recherche existants et du statut de fonctionnaire d’État du personnel, ce gouvernement cherche à rentabiliser son « investissement » au bénéfice des entreprises privées (sous prétexte de développement de la croissance et de l’emploi). Il oriente ainsi dangereusement les recherches publiques vers le marché des nouveaux produits, négligeant la mission de service public de l’État : maintenir à niveau toutes les connaissances et orienter la recherche finalisée (en santé, environnement, transports, agriculture, énergie...) vers des objectifs d’intérêt général et non vers la recherche du profit pour les entreprises privées !

Pendant ce temps, les solutions revendiquées par les organisations syndicales restent aux oubliettes : la programmation budgétaire du soutien de base des labos, le plan pluriannuel de créations d’emplois, le plan de titularisation des personnels précaires, et de reclassements des agents sous-payés, la création d’un véritable statut de salarié de droit public pour les doctorants.

Mais de quoi se plaint-on ? Grâce à une disposition sortie cet été, les administrations (dont font partie les EPST) auront la possibilité, dans leur grande bonté et en tout arbitraire, de garder en CDI des travailleurs précaires maintenus 6 ans en CDD !

Quand donc comprendra-t-on qu’un chercheur doit être recruté immédiatement après la thèse sur un poste de titulaire, et qu’il est tout à fait anormal de continuer à le considérer comme un étudiant et d’exiger qu’il fasse encore ses preuves sur des « petits boulots » précaires baptisés « post-doc », même s’ils étaient « améliorés » en CDD de 2-3 ans renouvelables ?

Pour que la recherche publique reste indépendante des intérêts privés, qui forcément l’orienteront sans respecter les impératifs sociaux ou de préservation de l’environnement, c’est bien des fonctionnaires qu’il nous faut ! Il nous faut aussi des organismes de recherche forts, capables de mener des réflexions prospectives s’appuyant sur l’état des connaissances scientifiques et les besoins de la population, et capables de conduire des recherches sur le long terme, sans la pression des lois du marché ou des échéances électorales !

[1En CR2, la limite d’âge pour se présenter était de 31 ans, alors que dans les corps de cat C et B, elle était de 45 ans et qu’il n’y en avait pas pour les Assistants ingénieurs et les ingénieurs.

[2Projet d’abord annoncé pour fin janvier (2005), puis pour la mi-mai, puis pour juillet, puis pour début septembre...

[3voir son interview - gratinée - dans Le Monde daté du 21 septembre ; extraits : il faut « rompre avec la logique des structures, des statuts et des financements indéfiniment acquis ». Il faut « que nos grands organismes soient recentrés sur leurs missions d’agence de moyens » et que leur « rôle principal » soit d’« accorder des financements sur projets à des équipes de recherche, notamment universitaires ». Voilà qui va combler d’aise les Présidents d’Université dont c’est le cheval de bataille depuis des années !

[4EPST : Etablissements Publics à caractère Scientifique et Technologique (CNRS, INSERM, INRA, Cemagref, INRETS, INRIA, IRD, LCPC et INED)

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